Paris porté à l'écran : que retiennent les cinéastes?
projet intégral d'un TPE de deux élèves de 1ere Littéraire de la Folie Saint James à Neuilly

Deux têtes folles (Paris when it sizzles) de Richard Quine


1964 - Etats-Unis - 106 min

"Deux têtes folles" est un long métrage réalisé par Richard Quine, réalisateur adepte de la comédie américaine. Il s'agit d'un remake de "La fête à Henriette" du réalisateur Julien Duvivier.
On y retrouve Audrey Hepburn qui poursuit sa série de films tournés à Paris et William Holden avec qui l'actrice avait déjà tourné le Sabrina de Billy Wilder, l'acteur n'est pas sans rappeler le Cary Grant de Charade, d'ailleurs ces deux films se rejoignent sur plusieurs points : une situation initiale commençant hors de Paris (Megève pour Charade/La Côte d'Azur pour Deux têtes folles), la notion qu'affectionne tant les américains de "duo de choc", duo qui dans les deux films se retrouve coincé à Paris.
Synopsis
Le scénariste réputé Richard Benson doit livrer le 14 juillet, au producteur du film « La fille qui a volé la tour Eiffel », un scénario de 200 pages. Il se rend à Paris en espérant que le charme de la ville va l'aider à trouver l'inspiration. A court d'idée, il finit par demander à sa secrétaire Gabrielle Simpson (Audrey Hepburn) de l'aider. Ensemble, ils vont imaginer une série d'histoires dont ils se voient à tour de rôle les héros...

Paris et sa jungle urbaine




La majorité des plans de Deux têtes folles sont larges, contrairement à Charade qui privilégiait des plans plus serrés focaliser sur les personnages . Richard Quine accumule les plans d'ensemble qui permettent aux spectateurs d'avoir une vue globale de l'environnement dans lequel évoluent les personnages, ce film se distingue donc de Charade qui préférait au plan d'ensemble le plan américain (à mi-cuisses) ou le plan moyen (à pied). Nombreuses sont les scènes où le duo se voient noyer dans une foule luxuriante et ne peut s'en distinguer que par un plan plus serré, Quine exploite au maximum Paris, ses avantages et ses possibilités. Le 14 juillet poussant dans ses retranchements cette idée de chaos, de cirque, de "jungle urbaine", qui contribue à l'image d'un Paris pittoresque et fantasque, les parisiens absents et oubliés chez Donen sont mis en valeur chez Quine.

Paris,"capitale de la fête et des plaisirs"




Sybaritisme, subst. masc., littér. Recherche de la jouissance; goût pour les plaisirs délicats, raffinés ou luxueux
En dehors des joies foraines d'un Paris convivial et ouvert, "Deux têtes folles" présente Paris comme une ville de plaisirs et de volupté. La notion de "sybaritisme" y est même employée et précisement expliquée lors d'une scène. Historiquement, les music-halls, théâtres et autres salles de spectacles construits entre 1860 et 1910 confère à la ville une réputation de "capitale de la fête et des plaisirs", Paname est le nouveau petit nom de Paris, celui des accordéons, des bals populaires, de la chanson réaliste et du jazz. Dans le film, la gastronomie y est célébrée lors de repas pantagrueliques, la luxure et la démesure inhérentes à l'esprit des sybarites y sont vantées au moment du grand bal costumé de la Tour Eiffel.
La chute même du film prône un retour à une certaine spontanéité et à une écoute de ses désirs au détriment d'un travail laborieux à accomplir. Ainsi le scénariste Richard Benson se débarasse du script qu'il a eu tant de mal à écrire et décide dans une ultime scène clichée et assumée de passer le reste de sa vie, sinon de la soirée, aux côtés de "Gabby".



Un Paris pittoresque
En choisissant de tourner en période de fête nationale Richard Quine prenait la décision de dépeindre un Paris pittoresque (au sens véritable, "digne d'être peint") et hors du commun : une fois dans l'année les parisiens descendent dans les rues pour faire la fête, le spectateur lambda ne pourra s'empêcher de garder en tête l'image d'un Paris festif et populaire.
Le film est une alternance de scènes se passant à l'hôtel où le duo rédige le script à finir de tout urgence et de scènes extérieures où l'action se passe au fur et à mesure qu'ils l'écrivent. Cela laisse la liberté au réalisateur de faire s'enchaîner ses lubies scénaristiques les plus curieuses, le spectateur assiste à une poursuite entre un vampire et Gabrielle Simpson qui se termine en course-poursuite en fiacre et en aéroplane et tout cela sans quitter Paris.

"Action, action and...action"*
Comme pour Charade, "Deux têtes folles" est avant tout un film d'intrigue où le spectateur n'a pas le droit de s'ennuyer.
A plusieurs reprises, Gabrielle Simpson incarnée par Audrey Hepburn fait allusion à un réalisateur inventé pour le film, un certain Roger Roussin appartenant à la Nouvelle Vague et qui aurait tourné un film s'intitulant "La partie de Scrabble n'aura pas lieu", Richard Benson lui répond sur un ton ironique appartenir à "l'ancienne vague".
On retrouve une allusion à la Nouvelle Vague lors de la scène se passant au studio de cinéma où Rick emmène Gabby qui lui raconte ce qu'elle aime au cinéma : "...western, cambriolages compliqués, mais surtout pas l'affreuse Nouvelle Vague". Ces scènes témoignent du point de vue personnel du réalisateur qui se pose comme fervent opposant à cette tendance, la réponse à ce cinéma qu'il ridiculise et fait passer pour nihiliste et intello est bien "Deux têtes folles" qui occupe les lieux normalement détenus par la Nouvelle Vague et qu'il sublime à sa façon, c'est à dire en la barriolant de couleurs et de situations burlesques par opposition au réalisme austère du nouveau cinéma français.

Lieux filmés :


- Parc Monceau et Guignol des Champs-Elysées
- Elysée Hôtel 3 étoiles
- Place Dauphine
- Studio "Franstudio" à Saint-Maurice dans le Val-de-Marne
- Aéroport du Bourget en Seine-Saint-Denis
- Tour Eiffel
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* "Action, action...and action" est une boutade du réalisateur Raoul Walsh à propos des trois composants essentiels du cinéma.

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